Indivision : pour quelles raison différencier nue-propriété et usufruit ?
La séparation de l'usufruit et de la nu-propriété est une stratégie de gestion de patrimoine souvent utilisée pour optimiser la transmission des biens, réduire les charges fiscales, et gérer efficacement les actifs. Dans cet article, nous allons explorer les raisons pour lesquelles cette pratique est couramment adoptée dans la planification successorale et patrimoniale.
Qu'est-ce que l'usufruit et la nue-propriété ?
Avant de plonger dans les raisons de cette séparation, il est essentiel de définir clairement ces deux concepts. L'usufruit est le droit de jouir d'un bien dont une autre personne détient la propriété (nu-propriétaire), y compris le droit d'en percevoir les revenus, comme les loyers ou les intérêts. La nue-propriété est le droit de propriété d'un bien, excluant l'usufruit. Le nu-propriétaire détient la substance du bien et en deviendra pleinement propriétaire à l'extinction de l'usufruit.
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Quelle optimisation fiscale possible ?
La séparation de l'usufruit et de la nue-propriété peut offrir des avantages fiscaux significatifs, notamment en matière de droits de succession. Lorsqu'un bien est transmis en nue-propriété, la valeur taxable de ce bien est réduite, car l'usufruitier conserve le droit d'usage et de revenu jusqu'à son décès. Cela permet de diminuer les droits de succession dus par les nus-propriétaires, souvent les enfants, ce qui rend cette stratégie particulièrement attractive pour la transmission de patrimoine.
Prenons le cas d'un couple, Jean et Marie, qui possèdent un appartement évalué à 500 000 euros. Ils souhaitent le transmettre à leur fille unique, Claire, tout en conservant le droit d'y vivre ou d'en percevoir les loyers. Pour cela, ils décident de diviser la propriété en usufruit et nue-propriété.
- Évaluation de l'usufruit et de la nue-propriété : La valeur de l'usufruit et de la nue-propriété dépend de l'âge de l'usufruitier au moment de la transmission. Supposons que Jean et Marie ont tous deux 65 ans. Selon le barème fiscal en vigueur, la valeur de l'usufruit pour une personne de 65 ans est estimée à environ 40% de la valeur totale du bien. Ainsi, l'usufruit de l'appartement vaut 40% de 500 000 euros = 200 000 euros, et la nue-propriété vaut 60% de 500 000 euros = 300 000 euros.
- Transmission de la nue-propriété : Jean et Marie décident de donner la nue-propriété de l'appartement à Claire. La base taxable pour les droits de donation sera alors de 300 000 euros (valeur de la nue-propriété), et non de 500 000 euros (valeur totale du bien). Cela réduit considérablement les droits de donation dus.
- Économie d'impôt : Si la valeur totale de l'appartement avait été transmise en pleine propriété, les droits de donation auraient été calculés sur 500 000 euros, entraînant des droits de succession plus élevés. En ne transmettant que la nue-propriété, Jean et Marie diminuent la base taxable, réduisant ainsi les droits de donation dus par Claire.
- À long terme : À leur décès, l'usufruit s'éteint, et Claire devient automatiquement pleine propriétaire de l'appartement sans droits de succession supplémentaires sur la valeur de l'usufruit. Cela représente une économie significative par rapport à une transmission classique de la pleine propriété, où la totalité de la valeur du bien aurait été soumise aux droits de succession.
La donation de l'usufruit en détail
Dans le cadre de cette configuration, le propriétaire transmet uniquement la nue-propriété du bien si l'âge du donateur est relativement jeune, une réduction significative est appliquée sur la valeur réelle du bien pour le calcul des droits de donation.
En conservant l'usufruit, le donateur maintient non seulement l'usage du bien mais aussi la possibilité d'en tirer des revenus durant toute sa vie. À son décès, l'usufruit s'éteint automatiquement, permettant au nu-propriétaire d'acquérir la pleine propriété du bien sans incidence fiscale supplémentaire.
La donation avec réserve d'usufruit est assujettie à la fiscalité standard des donations. La valeur de la donation est d'abord réduite par un abattement, dont le montant varie selon le degré de parenté entre le donateur et le bénéficiaire :
- Pour une donation entre parent et enfant, l'abattement est de 100 000 € par parent donateur, ce qui équivaut à 200 000 € pour un couple ;
- Dans le cas d'une donation entre grands-parents et petits-enfants, l'abattement est fixé à 31 865 € ;
- Pour une donation entre frères et sœurs, l'abattement s'élève à 15 932 € ;
- Enfin, pour une donation entre oncle/tante et neveu/nièce, l'abattement est de 7 967 €.
Pourquoi faire un transfert d'usufruit ?
Hors du contexte de la transmission anticipée de patrimoine, le démembrement de propriété peut également constituer un moyen efficace de transférer des ressources sans qu'elles ne soient intégrées au patrimoine du nu-propriétaire. Il est fréquent que des parents choisissent de soutenir financièrement leur enfant majeur en poursuite d'études supérieures par le biais d'une donation temporaire d'usufruit.
Dans ce cas, l'enfant majeur, qui n'est plus rattaché au foyer fiscal de ses parents, se voit attribuer l'usufruit d'un bien immobilier ou d'un portefeuille de titres, lui permettant ainsi de percevoir directement les revenus générés (tels que les loyers ou les dividendes).
À l'expiration de la période définie pour l'usufruit, les parents récupèrent la pleine propriété du bien.
Les bénéfices de cette approche
- Premièrement, il n'y a pas de limite fiscale imposée à la donation d'un usufruit, contrairement à la déduction d'une pension alimentaire versée à un enfant majeur en études, qui est plafonnée à un montant annuel relativement modeste (5 959 € en 2021, selon l'article 156, II-2° et l'article 196 B du Code général des impôts).
- De plus, les parents ne sont plus imposés sur les revenus provenant du bien démembrement. Quant à l'enfant majeur, il est généralement peu ou pas imposable sur ces revenus.
- Par ailleurs, l'usufruitier étant légalement responsable du paiement de l'Impôt sur la Fortune Immobilière (IFI), les parents, en tant que nus-propriétaires, bénéficient d'une réduction de leur charge fiscale. L'enfant, de son côté, ne devrait normalement pas être assujetti à cet impôt si la valeur de son patrimoine reste inférieure au seuil de déclenchement de l'IFI.
Cette opération n'est pas considérée comme abusive au regard de la législation sur l'abus de droit ou du nouveau dispositif de lutte contre les "mini abus de droit" fiscal (articles L 64 et L 64 A du Livre des Procédures Fiscales). L'administration fiscale a récemment précisé que la donation temporaire d'usufruit au profit d'un enfant majeur hors du foyer fiscal du donateur, bien qu'elle puisse engendrer une économie significative sur l'IFI, n'est pas considérée comme abusive si elle vise à soutenir l'enfant dans ses études, en lui permettant d'occuper le logement ou de bénéficier des revenus locatifs du bien transmis. Néanmoins, une donation temporaire d'usufruit implique des coûts. Comme mentionné précédemment, les droits de donation sont calculés sur une base équivalant à 23 % de la valeur du bien en pleine propriété pour chaque tranche de 10 ans d'usufruit. Selon la valeur du bien démembrement et les revenus qu'il peut générer, l'équilibre économique de l'opération doit être soigneusement évalué.
Une gestion flexible des biens
La séparation permet également une gestion flexible des biens. Par exemple, dans une famille, les parents peuvent choisir de conserver l'usufruit d'un bien immobilier (droit d'usage et de percevoir les loyers) tout en en cédant la nue-propriété à leurs enfants. Cela leur permet de continuer à vivre dans le bien ou d'en tirer des revenus, tout en préparant la transmission de leur patrimoine. Pour les enfants nus-propriétaires, cela représente un investissement à long terme sans les contraintes de gestion immédiate.
La protection du conjoint survivant
Dans le cadre de la planification successorale, la séparation de l'usufruit et de la nue-propriété peut être utilisée pour protéger le conjoint survivant. En lui attribuant l'usufruit des biens, notamment de la résidence principale, on assure son droit d'habitation et de jouissance tout en préservant la part des héritiers (nus-propriétaires). Cette approche équilibre les besoins immédiats du conjoint survivant avec la préservation des droits des héritiers.
Cette stratégie permet également d'anticiper et de limiter les conflits successoraux. En définissant clairement les droits et les responsabilités de l'usufruitier et du nu-propriétaire, on peut éviter les malentendus et les litiges futurs concernant l'utilisation et la gestion des biens. Cela est particulièrement pertinent dans les familles recomposées, où la dynamique successorale peut être complexe.
La séparation de l'usufruit et de la nue-propriété est une technique de gestion de patrimoine qui offre flexibilité, optimisation fiscale, et protection des intérêts des différentes parties impliquées. Elle permet une transmission du patrimoine plus fluide et sécurisée, tout en assurant la protection et le confort du conjoint survivant et d'autres usufruitiers. Comme toute stratégie de gestion de patrimoine, elle doit être adaptée aux besoins spécifiques de chaque famille et mise en œuvre avec les conseils d'experts en gestion de patrimoine et en droit successoral.
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